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crates ont inauguré la théorie du libre-échange international[1].

Question. — Le commerce extérieur et le libre-échange.

Les physiocrates ont-ils apporté la théorie du libre-échange ?

On l’a cru longtemps, et toute l’école libre-échangiste a travaillé à le faire croire[2]. L’opinion en est cependant revenue, sous l’influence des études plus approfondies et plus impartiales qui ont été faites au cours de ces dernières années.

La vérité, c’est que les physiocrates ne faisaient pas entrer cette question dans le cadre de leurs formules, et par là s’expliquent assez bien soit certaines divergences entre eux au sujet du commerce extérieur, soit surtout l’évolution de leurs idées à mesure que l’autorité du maître allait en s’affaiblissant ; la vérité encore, c’est qu’ils ne furent jamais mercantilistes — sauf probablement Gournay — et que, s’ils furent libéraux, leur libéralisme s’est inspiré de considérations qui n’ont rien de commun avec les principes proprement dits du libre-échange. Turgot, il est vrai, doit être mis à part ; puis les idées aussi marchaient et Dupont lui-même a modifié graduellement sa manière de voir.

Tout d’abord Gournay, partisan de la liberté du commerce intérieur en même temps que de la liberté du travail, ne paraît point avoir transporté ces théories là dans

  1. À étudier particulièrement sur ce sujet : l’excellent travail de M. Paul Permezel, les Idées des physiocrates en matière de commerce international, 1907 ; — Sauvaire-Jourdan, Isaac de Bacalan et les idées libre-échangistes en France vers le milieu du XVIIIe siècle, 1903.
  2. Par exemple Daire (notice sur les Physiocrates dans l’édition Guillaumin, p. 12) : « Levant l’étendard de la révolte contre le système mercantiliste inauguré (!) en France par Colbert, Quesnay bouleversait de fond en comble ces vaines théories, mettait au grand jour l’effet désastreux des prohibitions et des règlements, lui opposait la puissance salutaire de la liberté et appelait les peuples à la donner pour pivot à l’ordre économique. » — De même Yves Guyot, Quesnay et la Physiocratie, p. XVIII ; — Schelle, Vincent de Gournay, 1897, p. 222.