Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/225

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le Concordat, archevêque de Tours et cardinal, soit avec l’abbé de Cicé, qui devait être archevêque de Bordeaux. Des discours que Turgot eut à faire à la Sorbonne en 1749 et 1750, le mirent en évidence, et surtout celui de 1750 sur les Progrès de l’esprit humain. En 1751, Turgot quitte l’état ecclésiastique pour lequel il ne se sent aucune disposition, et il se tourne vers la magistrature. On le voit successivement, en 1752, substitut du procureur général, puis conseiller au Parlement, et, en 1753, maître des requêtes.

C’est le moment où sa vocation économique se dessine. Il écrit ses deux Lettres sur la tolérance, puis, sous le titre le Conciliateur, la Lettre d’un ecclésiastique a un magistrat, pour y soutenir la thèse du libéralisme religieux, avec cette formule « qu’aucune religion n’a le droit d’exiger d’autre protection que la liberté » ; il adresse à l’abbé de Cicé sa Lettre sur la liberté du prêt à intérêt ; enfin il écrit pour l’Encyclopédie les articles Étymologie, Existence, Expansibilité, Foires et marchés et Fondations. Ici toutefois il est regrettable que pour combattre l’idée même des fondations il apporte un souci exagéré des droits de l’État et qu’il adopte une thèse inconciliable avec le principe de la liberté[1]. D’ailleurs Turgot avait fréquenté dans les salons des « philosophes », chez Mme Geoffrin, chez la marquise du Deffant et chez Mlle de Lespinasse, et il avait accepté les idées philosophiques de ce milieu,

  1. Turgot reproche aux fondateurs : 1° de vouloir éterniser l’effet de leur volonté ; 2° de former des plans d’une exécution essentiellement impossible ; 3° de soustraire les institutions au changement ; 4° de provoquer le luxe des édifices ; 5° de vouloir soulager, soit des besoins qui, comme ceux de la nourriture ou de l’éducation, doivent être abandonnés aux efforts particuliers, soit des besoins qui sont purement accidentels, comme en cas de famine, et qui, par conséquent, n’admettent pas d’institutions permanentes. Il finit en condamnant tout organe ou toute société quelconque entre les particuliers et l’État. « L’utilité publique est la loi suprême, dit-il, et ne doit être balancée ni par un respect superstitieux pour ce qu’on appelle l’intention des fondateurs…, ni par la crainte de blesser les droits prétendus de certains corps, comme si les corps particuliers avaient quelques droits vis-à-vis de l’État » (Œuvres, éd. Guillaumin, t. I, p. 308).