Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/238

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Turgot affichait l’indépendance. Écrivant à Dupont au sujet de l’insertion de ses Réflexions dans les Éphémérides, il le menaçait, de faire « imprimer une lettre au Mercure, pour désavouer toutes ces additions, qui toutes, dit-il, tendent à me donner pour économiste, chose que je ne veux pas être plus qu’encyclopédiste[1] ».

Pourtant Turgot ne peut point se détacher aussi facilement de ses maîtres. Il professe la théorie générale de l’école sur la prééminence de l’agriculture, seule industrie productive, et sur la justice de l’impôt direct, qu’il faudrait pouvoir substituer aux impôts indirects, c’est-à-dire à tous impôts assis sur autre chose que le produit net du sol[2] : car son impôt direct — sens bien différent du sens actuel — n’est que celui que le propriétaire paye immédiatement sur le revenu net de ses seules terres, à tel point que « les maisons, ne produisant aucun revenu qui puisse être regardé comme un nouveau revenu dans l’État…, doivent être taxées, non à raison de la valeur des bâtiments, mais à raison de la valeur du terrain qu’elles occupent[3] ».

Même sur la question des mines et de leur productivité, où Turgot ne suit pas ses maîtres, il a le secret de défendre leurs principes tout en répudiant l’application qu’ils en faisaient. Il s’agissait de savoir si la mine produit. Non, répondait Turgot : « l’entrepreneur ne peut avoir à proprement parler de produit net…, son profit n’est pas d’une autre nature que les profits de tous les genres d’industrie… ;

    le renvoi à une note de Dupont sur l’Éloge de Gournay, ibid., pp. 266 et s. en note). — Voyez Denis, Histoire des systèmes économiques et socialistes, t. I, pp. 126-152 ; — Permezel, les Idées des physiocrates en matière de commerce international, 1907, pp. 131 et s.

  1. Cité par Hector Denis, op. cit., p. 131.
  2. Voyez en particulier son mémoire intitulé Comparaison de l’impôt sur le revenu des propriétaires et de l’impôt sur les consommations (Œuvres, t. I, pp. 409 et s.) et les Observations sur le mémoire de M. Graslin (ib., p. 434).
  3. Observations sur un mémoire de M. de Saint-Péravy (Œuvres, t. I, p. 423).