Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/258

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raisonnement, le tout, il est vrai, entremêlé d’assertions hardies et accompagné de beaucoup d’imagination. Faut-il le classer parmi les mercantilistes ou les libéraux ? en faire un ancêtre des physiocrates ou des socialistes ? Toutes les opinions ont été émises sur lui et toutes sont également injustifiées. Par exemple, s’il trouve que « la monnaie dans un État fournit de la nourriture de l’étranger aux époques de disette à l’intérieur, qu’elle embellit l’ensemble et plus spécialement les individus qui la possèdent en abondance », c’est dans la phrase même où il vient de dire qu’il « ne serait pas difficile de substituer à la monnaie (s’il n’y en avait pas en quantité suffisante) quelque chose d’équivalent[1] ».

Le mercantilisme cependant domine.

Ce qui a surtout conservé son nom, c’est son appel à « l’arithmétique politique », terme dont il se sert le premier, non pas tant, il est vrai, pour fonder la statistique que pour « ramener à des sortes de démonstrations, suivant les règles ordinaires de l’arithmétique, les questions de gouvernement et celles d’une étendue et d’un intérêt aussi considérables que la gloire du Prince, le bonheur et la grandeur du peuple[2] ». Il y étudie la situation intérieure du Royaume-Uni pour arriver à conclure que tout n’y est pas encore perdu ; et l’un des procédés les plus originaux qu’il préconise, c’est la limitation du taux des salaires, pour que les ouvriers soient contraints de travailler sans s’adonner à la débauche et pour qu’ils produisent à bon marché[3]. Avec cela l’on exporterait beaucoup, l’on recevrait de la monnaie, et l’on ne s’arrêterait que lorsque l’on serait sûr « d’avoir plus de monnaie qu’aucun autre État voisin[4] ». Mac-Culloch n’en fait pas

  1. Verbum sapienti, t. I, ch. v, p. 132.
  2. Ce sont les termes dont son fils lord Shelburne se sert en dédiant le volume au roi (Œuvres, t. 1, p. 263).
  3. Traité des taxes et contributions, ch. v, § 15 ; ch. VI, § 4 ; ch. XIV, § 16.
  4. Verbum sapienti, ch. X, § 3.