Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/320

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certains points ce qu’il y avait encore de défectueux et d’incomplet dans leur conception du monde économique[1]. Nous ramenons aux deux chefs suivant les griefs qui ont été formulés contre l’ensemble de leurs doctrines : 1° ils ont imaginé un homo oeconomicus, qui ne connaît ni les différences de temps, ni celles de lieux, qui dans toutes les conditions de la vie est toujours et partout identique à lui-même et qui n’est jamais mû que par le seul mobile de l’égoïsme ; 2° ils ont eu une foi aveugle dans la liberté individuelle, ce qui les a portés, d’une part à ignorer ou à mépriser l’intérêt national collectif, d’autre part à se désintéresser des classes pauvres et laborieuses.

Premier grief. — Uniformité de l’homme envisagé comme sujet économique. — Ce grief implique : 1° la méconnaissance des questions particulières de lieux et de temps ; 2° la méconnaissance des qualités personnelles des individus ; 3° l’unité du mobile d’égoïsme, auquel seul on obéirait.

Méconnaissance des questions particulières de lieux et de temps. — Hildebrand formule en ces termes l’accusation, au nom de l’école historique : « Smith et son école, dit-il, partent du principe que toutes les lois économiques,  étant fondées sur les rapports entre les hommes et les choses, planent au dessus du temps et de l’espace et restent fixes et immuables. Ils oublient absolument que, en tant qu’être social, l’homme est l’enfant de la civilisation et le produit de l’histoire, et que ses besoins, sa culture, ses relations particulières avec les choses et les autres hommes ne restent jamais les mêmes, mais varient avec le milieu géographique, se modifient au cours de l’histoire et progressent avec la civilisation collective de l’huma-

  1. Nous nous inspirons beaucoup, pour ce qui va suivre, du petit volume les Économistes classiques et leurs adversaires, par Richard Schüller, traduction française, Guillaumin, 1896. — Voyez aussi Emilio Cossa, Il metodo degli economisti classici nelle sue relazioni col progresso della scienza economica, Bologne, 1895 (particulièrement ch. ii, « L’osservazione dei fatti », et ch. iii, « La politica economica » ).