Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/362

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reprises l’extinction naturelle de toutes les classes opulentes[1], phénomène qu’il ne craint pas d’attribuer à la stérilité volontaire, parce que « chaque père regarderait une multiplication de sa race comme une dégradation de son nom illustre[2] ». Nous citons : ici nous n’apprécions rien, pas plus au point de vue de l’histoire et de la démographie qu’au point de vue de la morale, et tout au plus nous notons, que Sismondi, à cet endroit là, n’est pas facile à accorder avec lui-même.

On ne saurait non plus dissimuler la faiblesse de la partie purement économique de cette œuvre, ni l’imprécision habituelle des formules. Sismondi a nettement distingué le produit brut et le produit net, dont l’un importe à la masse, et l’autre, seulement aux privilégiés qui le perçoivent[3] ; il a séparé plus nettement qu’on ne le faisait encore « l’intérêt du capitaliste » et le « profit mercantile »[4] : mais après cela tout son livre V sur le numéraire révèle un homme peu familiarisé avec un certain nombre des phénomènes qu’il décrit et sur lesquels il entend raisonner.

Quelles que soient les exagérations et les erreurs que renferme l’œuvre de Sismondi, particulièrement en ce qui concerne les surproductions, et sans parler des solutions qu’il proposait en termes assez vagues, il est juste de reconnaître qu’il a inauguré l’étude de l’économie sociale comme distincte de l’économie politique pure ou chrématistique, et qu’il a hâté, par ses vives critiques, l’intervention de la législation dans le régime du travail et dans les rapports entre patrons et ouvriers. C’est lui, enfin, qui a jeté cette idée, demeurée si vivace après lui, que le machinisme se résout en une opposition du travail et du capital, en tendant à séparer toute espèce de propriété






« La science sociale, la plus importante entre les sciences, car c’est celle du bonheur de l’homme » (Avertissement, p. xvii).

  1. Ibid., t.I, pp. 297 et 298 ; — 1. VII, ch. iii, t. II, p. 274.
  2. Ibid., t. II, p. 274.
  3. L. III, ch. xiii, t. 1, p. 304 ; — 1. VII, ch. vii, pp. 330-331 et passim.
  4. L. IV, ch. vi, t. I, p. 388.