Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/366

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se modifier ou faire place à des doctrines plus sûres[1] ». Nous souscrivons à cette pensée de placer à côté de la science un art économique profondément imbu de charité chrétienne : mais nous craignons que la distinction entre l’un et l’autre ne soit seulement entrevue et pas suffisamment approfondie par M. de Villeneuve-Bargemont. En tout cas, avec son attachement à tous les grands principes sociaux, tels que les envisageaient les esprits les plus élevés de ce temps là, et avec les appels incessants qu’il adressait à la seule charité, il est impossible de songer un instant à le rattacher au socialisme chrétien. Si ce dernier plongeait des racines jusque dans ces temps éloignés, ce serait dans l’école de M. de Lamennais qu’il faudrait en chercher les premières traces[2]. Sismondi, cependant, y aurait une certaine part à revendiquer : car l’interventionnisme exagéré d’une certaine école catholique — malthusianisme à part — peut se réclamer de lui, et ses critiques de la division du travail, de l’emploi des machines et de la surproduction générale[3] ne sont guère qu’une reproduction des critiques mêmes de Sismondi.

On a encore de M. de Villeneuve-Bargemont une Histoire de l’économie politique ou Études historiques, philosophiques et religieuses sur l’économie politique des peuples anciens et modernes (1841). Le plan en est analogue à celui de l’ouvrage de Blanqui : les idées en sont différentes, conformes d’ailleurs à celles que nous connaissons chez l’auteur de l’Économie politique chrétienne.

À coup sûr, ce que l’on pouvait constater partout depuis longtemps, c’est qu’il n’y avait plus d’unité dans le mou-

  1. Introduction, p. 38 de l’édition de 1837.
  2. M. l’abbé Winterer, à propos de l’abbé de Lamennais, s’exprime ainsi : « À ces noms (ceux de Fourier, Cabet, Pierre Leroux, Louis Blanc et Proudhon) nous avons la douleur de joindre celui de Lamennais » (Socialisme contemporain, 4e édition, tr. fr., Paris, 1901, p. 242). — Nous savons cependant qu’un bon nombre de catholiques sociaux ont été très froissés de ce rapprochement, ce qui du reste ne prouve rien contre son exactitude.
  3. Voyez surtout les Éléments de science sociale du P. Antoine, 1893, ch. xiii, pp. 410-426.