Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/378

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Prusse en 1835, Guillaume de Humboldt avait été successivement ambassadeur à Vienne, membre des congrès de Prague en 1813, de Châtillon en 1814, de Vienne en 1815, d’Aix-la-Chapelle en 1818, et ministre au royaume de Prusse, toujours libéral convaincu non moins qu’ardent patriote[1]. Or, il avait composé, dès 1792, un Essai sur les limites de l’action de l’État[2], que la censure d’abord, sa négligence ensuite l’empêchèrent de publier. En 1850, on en retrouva par hasard une copie presque complète dans une de ses propriétés, et l’ouvrage, publié en 1861, fut révélé et mis en faveur par Stuart Mill dans son volume On liberty.

L’idée maîtresse de Humboldt, c’est que « le vrai but de l’homme, celui que lui assigne la raison éternelle et immuable, c’est le développement le plus large et le mieux proportionné de ses forces dans leur ensemble. Or, l’homme, même le plus libre, le plus indépendant, quand il est placé dans un milieu uniforme, progresse moins[3]. » D’où la nécessité de la liberté et de la variété. Aussi Humboldt élimine-t-il des fonctions de l’État une foule d’attributions que les préjugés, la routine ou le parti pris prétendaient lui confier.

En matière d’éducation par exemple, l’instruction publique est nettement condamnée : il suffit « d’empêcher que les enfants ne restent entièrement privés d’éducation ; il vaut mieux donner des tuteurs aux parents négligents et aider les pauvres ; car une nation qui n’aurait tout entière conservé qu’un seul mode d’éducation, manquerait de toute force pour résister à la décadence et manquerait

  1. Sa biographie a été donnée par Challemel-Lacour : La Philosophie individualiste, étude sur Guillaume de Humboldt, 1864.
  2. Ideen zu einem Versuch, die Grenzen der Wirksamkeit des Staats zu bestimmen. — Ne pas confondre avec une brochure anonyme de 1793, Von den wahren Grenzen der Wirksamkeit des Staats in Beziehung auf seine Mitglieder, due à son ami et confident Dalberg et où lui-même n’avait fourni que des idées.
  3. Op. cit., ch. ii, trad. franç., p. 13.