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CHAPITRE V

STUART MILL

John-Stuart Mill, esprit doué d’une remarquable puissance de raisonnement, marque la transition entre l’école de Ricardo, dont il est le plus brillant interprète, et le socialisme dit scientifique, sous lequel il est bien près de s’enrôler dans les derniers temps de sa vie. Nous lui devons une attention : toute spéciale, sauf à remettre à un peu plus tard l’étude — très sommaire du reste — de ses idées socialistes.

Né à Londres en 1806, fils de James Mill que nous connaissons déjà, il dut son prénom de Stuart à la reconnaissance que son père avait vouée à son protecteur sir John Stuart. James Mill, père d’une nombreuse famille, fit seul l’éducation de cet enfant, qui montra autant de précocité que d’intelligence. À huit ans, Stuart Mill avait lu en grec Hérodote, la Cyropédie et six dialogues de Platon : il commençait alors l’étude du latin, en l’enseignant à une sœur plus jeune que lui. À douze ans, il avait lu les classiques grecs. Il se mettait alors aux mathématiques, y compris l’analyse, puis à la philosophie, qu’il étudia sans maître ; et il rédigeait un résumé de Smith et de Ricardo assez bien fait pour que son père le mît à profit. Mais ce surmenage le rendit morose et sceptique. Aucune idée religieuse n’avait pénétré en lui : car Stuart Mill aima plus tard à se vanter d’être du petit nombre de ceux qui n’avaient jamais quitté leur religion, parce qu’il était du petit nombre de ceux qui pouvaient se vanter de n’en avoir eu jamais aucune. Bentham, chez qui Stuart Mill avait été dans son enfance, lui inspirait un véritable culte. À dix--