Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/41

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ment individualiste et personnel de ses prescriptions. Devoir, vice ou vertu, sanctions éternelles, tout y était marqué de l’empreinte la plus individuelle qui se pût concevoir. Aucune théorie sociale, aucune politique n’apparaissait car c’était par l’individu que la société allait être régénérée ; si elle devait l’être, et c’était déjà par la seule acceptation de, la vérité que l’individu s’élevait à la liberté. Sous ce dernier aspect, toute l’histoire de l’Église dans la période des persécutions avait révélé, jusque chez les femmes, les enfants, et les esclaves, un réveil absolument inattendu de la conscience.

Mais rien de tout cela ne saurait être une économie politique et, par conséquent, nous pouvons dire encore qu’il n’y a pas une économie politique chrétienne — au sens où il y a un dogme chrétien et une morale chrétienne — pas plus du reste, qu’il n’existe une médecine chrétienne ou une physique chrétienne.

Si la science économique, en effet, est la connaissance des rapports ou des lois qui unissent tel phénomène, considéré comme un effet, à un autre phénomène qui en est regardé comme la cause, on ne voit guère que le christianisme ait inauguré une manière nécessairement différente d’envisager et d’expliquer, soit ces phénomènes, considérés sous leur aspect économique, soit leurs rapports de succession ou de causalité. La liberté de l’homme, la Providence d’un Dieu créateur, sont bien des principes que le christianisme a confirmés ou révélés : mais ces principes se rattachent encore de trop loin à l’économie politique pour qu’on puisse dire que l’économie politique soit fondée avec eux ou bien, si elle existait déjà, pour qu’on puisse dire qu’elle soit transformée par la seule démonstration de ces vérités d’un ordre tout à fait général.

Ainsi en est-il des autres sciences, de la physique par exemple : car l’on ne peut pas dire davantage qu’il existe une physique chrétienne ou que le christianisme en ait révélé une par le seul fait d’avoir enseigné le dogme de la