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CHAPITRE VIII

LA RÉACTION CONTRE MALTHUS ET RICARDO

Il est difficile de contester le pessimisme des déductions de Ricardo, liées d’ailleurs de si près aux inquiétudes de Malthus. Or, d’un côté, les socialistes s’emparaient des principales formules de Ricardo — notamment de la valeur causée par le travail et de la loi de l’unearned increment ou accroissement non gagné, corollaire essentiel de sa théorie de la rente foncière — pour demander une refonte générale de la société : d’un autre côté, des hommes sans conscience et sans cœur, dépravés d’intelligence autant que de conduite, travaillaient à acclimater les pratiques néo-malthusiennes, déduites par l’exagération et la fausse interprétation des principes de Malthus.

Une double réaction était donc naturelle.

C’est Carey et Bastiat qui en furent les principaux apôtres. Le premier s’inspirait du spectacle tout à fait différent que lui offrait l’économie du Nouveau-Monde ; le second, poussé certainement par une conviction aussi intense que sincère, était tout autant travaillé par le désir d’arracher aux socialistes, dans l’effervescence révolutionnaire de 1848, les armes que ceux-ci allaient chercher dans les ouvrages des maîtres de la science économique comme dans un arsenal trop bien approvisionné.

À cet égard, l’œuvre de Bastiat est tout à fait originale. On ne peut le prendre ni pour un éclectique, ni pour un disciple ou un plagiaire. Il arrive avec une conception toute nouvelle des rapports économiques et avec la conviction que la paix doit renaître d’une nouvelle intelligence de ces relations. Il voit le désordre dans les idées et la