Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/447

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l’ont été sous le seul stimulant du gain individuel, sont ainsi tombés dans le patrimoine commun de l’humanité. Voilà une forme nouvelle et inattendue d’un véritable communisme dans les services rendus ; et combien ce communisme providentiel n’est-il pas préférable au communisme légal, qui tarirait la source de toute production et par conséquent de toute richesse !

Intéressés aux perfectionnements scientifiques et industriels, les travailleurs ne le sont pas moins à la multiplication des capitaux, dont l’abondance est un de ces perfectionnements dans l’art de produire. Bien plus, « à mesure que les capitaux s’accumulent, dit Bastiat, le prélèvement absolu du capital dans le résultat total de la production augmente, et son prélèvement proportionnel diminue : le travail voit augmenter sa part relative et à plus forte raison sa part absolue. L’effet inverse se produit quand les capitaux se dissipent[1]. ».

Tout cela, cependant, ne doit arriver que si le jeu libre et harmonique des intérêts n’est pas troublé par des lois humaines. Nous arrivons ainsi à la troisième des propositions essentielles du système.

  1. Avis à la jeunesse, p. 17. — Voyez Harmonies économiques, ch. vii, « Le capital », pp. 249 et s. — Il est précisément à remarquer que les récentes études statistiques sur les salaires nominaux, les salaires réels, les profits d’entreprises et les loyers ou intérêts de capitaux dans les sociétés anonymes donnent raison aux déductions de Bastiat. Les gains ouvriers ont monté, soit relativement et en pourcentage avec les gains patronaux, soit absolument (Voir le très intéressant Mémoire de l’Association des patrons catholiques belges, 1894 ; — le R. P. Castelein, S. J., Socialisme et droit de propriété ; — Sanz y Escartin, l’Individu et lu Réforme sociale, ch. viii et ix ; — Levasseur, l’Ouvrier américain ; — René Lavollée, les Classes ouvrières en Europe, etc., etc. — Bastiat n’a donc pas reçu de l’histoire de ce dernier demi-siècle le démenti qu’elle a donné à Stuart Mill. C’est tout le contraire. — « L’erreur de Bastiat, dit à ce propos M. Schatz, réside en ce fait que la part du capital et le taux de l’intérêt sont deux choses distinctes et que leurs mouvements n’ont pas lieu nécessairement dans le même sens » (Schatz, Individualisme, p. 281 en note). La remarque est très juste : ce sont deux choses distinctes, en ce que chacune des deux arrive isolément et indépendamment de l’autre ; mais ce ne sont pas deux choses contraires, dont l’une, si elle a lieu, rende l’autre impossible. Il faudrait donc, en laissant de côté tout ce qui concerne le taux de l’intérêt, examiner quelle est la part du