Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/465

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statistique, sans qu’aucune de ces deux forces annihile davantage la liberté.

C’est ainsi, pour en revenir à notre sujet, que dans la production économique un fabricant pourra, calculer approximativement la demande future d’après la consommation actuelle, en tenant compté de ces courants instantanés ou tout au moins rapides qui s’appellent la mode et qui ne sont autre chose que l’imitation appliquée à un certain usagé des biens ou à une certaine direction des goûts.

Aussi bien les phénomènes économiques et particulièrement les jugements de l’esprit sur la valeur et sur le prix des choses ne peuvent pas échapper à ces lois de la prévision statistique. Il est évident même que l’idée de soumettre ces phénomènes aux formules de l’algèbre a dus se présenter de bonne heure aux économistes. Quesnay, tout le premier, en rédigeant son Tableau économique, où il suivait de main en main le processus de la richesse produite par la seule agriculture, avait cherché à appliquer aux théories de l’économie politique quelque chose des figurations employées par les mathématiciens. Mais que pouvait valoir la solution apparente d’un problème pratique, quand les données en étaient purement fictives[1] ?

En France, les deux noms qui se rattachent le plus directement à l’école économique mathématique, sont ceux de Canard et de Cournot. Canard (1755-1833), auteur de divers ouvrages sur les mathématiques et la physique, publia en 1802, sous l’influence de la méthode mathématique, des Principes d’économie politique, ou il étudiait

  1. Un commentateur d’Adam Smith, l’Anglais Buchanan, fait la remarque suivante, qui est fort juste : « Les proportions suivant lesquelles, d’après M. Quesnay, les produits du sol se distribuent dans les différentes classes de la population, sont tout à fait conjecturales. Il n’a pas même essayé d’établir les bases de cette division tout imaginaire ; et quelle valeur peut-on attribuer à des conclusions tirées de faits aussi arbitrairement posés ? » (En note sous Adam Smith, 1. IV, ch. ix édit. Guill., t.II, p. 321). — On sait aussi que Quesnay devenu vieux s’adonna tout à fait à la géométrie et qu’il écrivit des Recherches sur les vérités géométriques (parues en 1773).