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III

LA VALEUR, LES ÉCHANGES ET LE COMMERCE

Pour les scolastiques, comme pour Aristote, la valeur avait sa source dans le sentiment du besoin, et non pas dans la dignité intrinsèque de l’objet[1].

De plus, la distinction entre la valeur d’usage d’une part (ou valeur calculée au regard seulement de l’acquéreur ou du possesseur) et valeur d’échange d’autre part (ou valeur calculée au regard de tous ceux qui peuvent vouloir donner ou acquérir la richesse dont il s’agit) était quelque chose de trop obvie pour que l’attention des scolastiques ne se fût point portée sur elle. Ils trouvaient également cette distinction dans leur maître Aristote[2]. Ils avaient tout aussi bien compris que la première — valeur d’usage — ne dicte point nécessairement la seconde quand il s’agit d’un échange à contracter.

Pour fixer une valeur d’échange qui ne lèse aucune des parties, on tiendra compte, non seulement du travail, mais encore de l’opinion commune et de la diversité des circonstances et des lieux[3] ; on ne s’arrêtera pas à l’appréciation du besoin particulier plus ou moins intense de tel ou tel individu, mais on examinera le besoin de l’ensemble

    cision tenait en grande partie à l’extrême étatisme d’alors, les philosophes chrétiens ont été amenés, par leur individualisme même, à être des théoriciens fort ardents de la propriété privée… À partir de saint Thomas tout au moins, il ne peut plus y avoir de doute sur l’opposition qui est ici entre la fermeté des théologiens et l’imprécision relative de la pensée grecque » (Op. cit., pp. 200-201).

  1. « Pretium venalium non consideralur secundum gradum naturae cum quandoque pluris vendatur unus equus quam unus servus ; sed consideratur secundum quod res in usum hominis veniunt » (Summa theologica, IIa IIae, quoestio LXXVII, art. 2, ad tertium). — Voyez saint Augustin, De Civitate Dei, 1. XI, ch. xvi.
  2. Voyez plus haut, p. 17.
  3. Saint Thomas, Summa theologica, IIa IIae, quaestio LXXVII, passim.