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accomplissement des devoirs d’altruisme[1]. Non, ce n’est pas avec cela que l’on entraîne des volontés hésitant entre le devoir et l’intérêt ; et la morale, quoi qu’on dise, restera individualiste ou bien disparaîtra.

Nulle théorie philosophique n’avait rêvé un plus dégradant esclavage. Il n’est, hélas ! que le juste châtiment de ceux que leur orgueil avait portés à se révolter contre la vieille philosophie et la vieille foi. C’est en elles pourtant qu’on aime à se réfugier pour garder la conscience de sa liberté, le sentiment de sa responsabilité et la certitude non moins encourageante de l’action qu’on peut exercer autour de soi pour le bien des autres.

L’économie politique libérale ne pourra donc jamais frayer avec la sociologie évolutionniste, puisque le triomphe de cette sociologie serait la ruine de toute liberté.

Nous nous étonnons même, quant à nous, que des auteurs, parmi les catholiques sociaux, aient accepté aussi complaisamment qu’ils l’ont fait, les théories et les formules de l’organisme social[2]. Même cette expression

  1. M. Durkheim le fonde sur la division du travail. C’est cette division du travail qui « crée entre les hommes tout un système de droits et de devoirs les liant les uns aux autres d’une manière durable » (De la Division du travail social, 2e édition, 1902, pp. 267 et 403). — M. Fournière, ne croyant plus au « frein ni à la sanction d’une religion que la raison rejette », ni à la « vitesse acquise des morales religieuses », qui bientôt « n’auront plus aucune efficacité », ni à la « morale pure » ; qui n’a pas de « bases », en appelle à l’unique socialisme. « Le socialisme vient à point, dit-il, avec ses justices, ses réparations réelles, donner à l’utilité sociale toute sa force moralisante, non en paroles et en préceptes, mais en action…Il n’est pas téméraire de prévoir un temps où l’individu sentira vivre suffisamment en lui l’espèce pour que toute notion de droit, de devoir, et conséquemment de morale contraignante se fonde en un sentiment très simple et très harmonieux » (Théories socialistes au XIXe siècle, 1904, p. 48). Nous rappelons que M. Fournière a été chargé de professer cette morale socialiste à l’École polytechnique.
  2. Citons entre autres les Principes fondamentaux de la sociologie chrétienne, par le R. P. Meyer, S.J. (tr. fr., 1893). « On n’a pas besoin, dit-il, d’être philosophe pour percevoir la frappante analogie qui établit une parfaite similitude entre l’organisation sociale et l’existence individuelle et personnelle de l’homme, sans supprimer pour cela les différences essentielles… À proprement parler, il y a, dans la société organisée, deux organismes moraux, qui sont toutefois substantiellement unis entre eux comme l’âme et le corps. L’un est constitutif, l’autre gouverne ou administre. Le premier est