Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/627

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Jean Bodin, dans sa République, chercha à réfuter les faux principes avancés par l’Hythlodée de Morus. En tout cas, son livre est une œuvre nettement et solidement conservatrice : car le mot « République », pour les humanistes de la Renaissance, était synonyme de « État », et Bodin restait partisan de la monarchie absolue. Ceux qui l’ont accusé de tendances socialistes et révolutionnaires, l’ont donc purement calomnié[1].

Le plus illustre roman utopiste après celui de Morus est la Cité du Soleil de l’ex-dominicain Campanella[2]. Écrite en 1611, elle fut publiée à Francfort en 1620[3]. C’est un dialogue entre le Grand-Hospitalier et le chef des matelots, hôte des Génois. Ce dernier avait découvert, à Taprobane (ou Ceylan) la « Cité du Soleil », habitée par les « Solariens », et il décrit leur organisation.

Les Solariens, par l’austérité de leur régime et la sévérité de leur règle, mènent une vie monacale, à laquelle ne manque pas même la confession à un magistrat-prêtre, qui transmet à un prêtre supérieur, et ainsi de suite indéfiniment, toutes les confessions qu’il a entendues, en même

  1. Pourquoi Kirchenheim dit-il que « la République de Bodin ne peut pas, comme le fait Sudre, être considérée comme une utopie » (Op. cit., p. 84 en note) ? Sudre, au contraire, a défendu Bodin contre Reybaud, qui l’accusait de socialisme.
  2. Giovane Domenico Campanella, né en Galabre en 1568, se changea ensuite ses prénoms en celui de Tommaso. Il passa vingt-six ans de sa vie dans les prisons de Naples, de 1600 à 1626, comme impliqué à tort ou à raison dans une conspiration contre l’Espagne. Il se réfugia ensuite en France, auprès de Louis XIII, qui l’accueillit et l’honora, et il mourut à Paris en 1639. Campanella, beaucoup moins attachant que Morus, est un sceptique adonné à l’astrologie et fort immonde en ses descriptions. — Le complot pour lequel Campanella fut tenu si longtemps en prison, paraît avoir eu pour but la réalisation du système exposé dans la Cité du Soleil, et cela grâce à l’appui des Turcs, qui auraient aidé Campanella, Maurizio di Rinaldi, etc., à s’emparer d’abord de la ville de Catanzaro. — Sur Campanella, voyez entre autres auteurs, B. Croce, le Communisme de Tommaso Campanella, publié en français, pp. 259-316, dans le Matérialisme historique du même auteur, Paris, 1901 ; — Lafargue, dans les Vorlaüfer des neueren socialismus, 1895, Campanella, t..1, pp. 469 et s. (Op. cit.).
  3. Sous ce titre : Civitas solis, vel de reipublicæ idea dialogus politicus. Interlocutores : Hospitalarius magnus etnautoi’umgubemator, Genuensis hospes.