Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/649

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lois précises sur le maximum de fortune qu’un homme peut posséder et au-delà duquel la société prend sa place et jouit de son droit[1]. »

« Les idées socialistes sous la Révolution française, conclut M. Lichtenberger, sont en quelque sorte un produit spontané des événements, qui peu à peu suggérèrent aux esprits les plus hardis et leur montrèrent comme réalisables les idées qu’avaient déjà indiquées quelques philosophes spéculatifs. Mais elles ne furent en aucune manière le terme naturel d’une espèce de grand courant socialiste, qui aurait traversé tout le siècle pour s’épanouir sous la Révolution : l’absence presque complète de ces idées dans les cahiers de 1789 est la preuve la plus évidente de cette affirmation[2]. »

Toutefois ces idées n’en avaient pas moins existé, et « quand la réaction qui suivit le 9 thermidor aboutit à la proclamation de la constitution de l’an III, regardée comme aristocratique et antijacobine, elles s’exaspérèrent chez les meneurs du parti babouviste[3]. » Nous touchons ici à la conjuration des Égaux, qui tenta de faire passer le Code de la nature de Morelly, du domaine des rêveries et des livres, dans celui de l’histoire et des faits[4].

Au commencement du Directoire, d’anciens Jacobins s’étaient ligués sous le nom de « groupe des Égaux », pour réaliser le programme égalitaire et communiste. Les principaux étaient François Babeuf (qui se fit appeler Gracchus) ; le Toscan Buonarotti — parent sans doute de

  1. Chronique de Paris, n° du 19 janvier 1793. — L’Histoire du communisme de Sudre (p. 288) nomme ici simplement Rabaut et le qualifie de Girondin. Est-ce Rabaut-Pommier, ou bien son frère Rabaut-Saint-Etienne, qui est beaucoup plus connu et qui appartenait à la Montagne ? Paul Janet (Origines du socialisme contemporain, 1883, p. 109) nomme Rabaut-Saint-Etienne, et effectivement c’est bien celui-ci qui était rédacteur de la Chronique de Paris avec Condorcet, au dire de Ch. de Monseignat (Histoire des journaux de France de 1789 à 1799, 1853, p. 39).
  2. Lichtenberger, Socialisme utopique, p. 167.
  3. Ibid., p. 165.
  4. Paul Janet a consacré à Babeuf et aux babouvistes le livre II de ses Origines du socialisme contemporain.