Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/682

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de produire pour soi-même et pour les siens ; le droit de se constituer, pour soi et pour eux, un fonds de prévoyance en vue de l’avenir (ce qui est le fondement du droit de propriété) ; enfin le droit de n’être pas empêché de travailler, par la coalition des travailleurs concurrents[1]. Tout cela constitue le « droit du travail », droit qui n’impose aux autres qu’une abstention et qui, vu de ce côté, est purement négatif comme les jurisconsultes le disent de tous les droits réels. Tout cela semble aller à l’encontre de Louis Blanc, plutôt que d’appuyer sa démonstration.

Mais de ce droit du travail faut-il passer au droit au travail ? Faut-il, à cette forme négative, substituer une forme positive ? Faut-il, en un mot, en déduire une créance de l’individu contre la société, pour qu’il se fasse donner du travail par elle ?

Toute la question est là.

Nous répondons négativement, pour un double motif, à savoir : 1o que l’accomplissement de cette mission, si la société s’en chargeait, serait un mal pire que les maux actuels à corriger ; 2o que ni la société, ni l’État ne sont faits pour assumer cette mission.

D’abord et en fait « cette mission de l’État collectiviste se heurte à des impossibilités pratiques ; ou bien, si elle les surmonte, elle entraînerait des maux et des abus incomparablement plus grands que les maux et les abus actuels[2]. » Dans l’ordre moral et intellectuel ces maux seraient la

    les économistes libéraux l’opinion brutale de M. de Molinari, que la société n’est tenue à secourir ses membres que lorsque leur entretien doit se traduire par une récupération ultérieure de leurs forces économiques (Questions économiques à l’ordre du jour, 1905, p. 133), d’où résulterait le droit ou le devoir, pour la société, de se désintéresser des vieillards, des infirmes et des incurables.

  1. Voyez sur ce dernier point l’Encyclique de Léon XIII aux évêques des États-Unis, du 28 janvier 1895 (Encyclique Longinqua Oceani) : « Personne, y est-il dit, ne doit empêcher qui que ce soit de donner son travail à qui il lui plaît et quand il lui plaît ».
  2. Castelein, Socialisme et droit de propriété, p. 210.