Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/735

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produit de la communauté. Ce système, vu dans son ensemble, maintiendrait le mariage, la liberté des consommations, la variété et le choix des carrières, l’inégalité des revenus et les différences correspondant aux inégalités de force et de talent.

Finalement le socialisme de Schæffle nous paraît beaucoup plus dangereux que celui de Marx. Grâce à l’apparente modération de ses résultats et à la savante gradation de ses réformes, il épouvante moins et il attire davantage.

Aussi sont-ce les grandes lignes de ce programme qui ont été adoptées par les organes avancés de la démocratie chrétienne[1]. Il est certain que Schæffle ne peut pas être classé parmi les disciples de Marx ; il est bien certain, néanmoins, qu’on peut être socialiste tout en professant comme Schæffle une aversion très sincère pour la démocratie sociale. Schæffle finit d’ailleurs en combattant celle-ci à visage découvert dans son Aussichtslosigkeit der Social-demokratie, et nous avouons avoir trouvé contre elle peu d’arguments aussi forts que ceux par lesquels il montre que, si elle pouvait se constituer, elle serait

  1. Voir diverses citations dans nos Éléments d’économie politique, 2e éd., p. 101, note 2, et p. 184. — Ainsi encore nous trouvons dans une revue religieuse allemande qui exerce une grande autorité, les Stimmen aus Maria Laach, la formule suivante, qui est recommandée par le R. P. Pachtler : « À notre avis, dit-il, il faudrait dès maintenant subordonner les grandioses produits de la machine, sa mise en mouvement et son activité à l’exploitation collective d’une corporation industrielle. En tout cas les corps de métier devraient perdre tout caractère local et au besoin s’étendre sur des cercles et des provinces entières. Chaque corporation devrait avoir son magasin de matières premières, ses machines, ses fabriques, c’est-à-dire les moyens de production les plus importants. La production elle-même serait placée sous la surveillance des patrons ouvriers, auxquels seraient subordonnés les compagnons et les apprentis. Bref, la corporation deviendrait société de production. Avec cette organisation le socialisme ne serait jamais né : en effet, le bon socialisme (non le socialisme démocratique, mais le socialisme corporatif) (sic) aurait été là, et le « fonds d’or » de l’industrie aurait servi au bien commun, supposé d’ailleurs que la société fût restée chrétienne. Mais que dis-je ? Tout cela n’est qu’hérésie aux yeux des libéraux » (R. P. Pachtler, le But du socialisme et les idées libérales, trad. fr. du docteur Fritsch, 1893, pp. 50-51). — Hérésie aux yeux des libéraux" ? dit-il. C’est parfaitement mon avis.