Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/785

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république démocratique est essentiellement la forme de gouvernement la plus chrétienne, en excluant l’action du patronat, en excitant la défiance contre lui et en éliminant le plus possible l’intervention des « classes dirigeantes », la « démocratie chrétienne » s’est mise en un certain antagonisme avec l’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, où prévalaient en général, sur ces deux points là, des opinions sociales et politiques très opposées.

Parfois, entre les deux écoles de Liège et d’Angers, on a introduit la différence d’interventionnistes et non-interventionnistes. Mais ici la divergence entre elles ne porte pas tant sur l’intervention même de l’État dans le régime du travail, que sur la mesure opportune et nécessaire de cette intervention et sur le principe qui la justifie. Les libéraux croient que cette intervention n’est qu’une application particulière du devoir général de police qui incombe à l’État : maintes fois, au contraire, et notamment à la Chambre, par l’organe de M. de Mun, les chrétiens sociaux ont rattaché cette intervention à leur thèse du travail fonction sociale[1].

Néanmoins ce mouvement plus ou moins imbu de socialisme qu’on appelle « école de Liège, démocratie chrétienne ou catholicisme social » — ne s’est pas acquis pour tout cela, sinon comme un allié de rencontre, les sympathies du socialisme proprement dit. Ce n’est pas seulement en Europe que l’on constate l’impopularité des chrétiens sociaux parmi les milieux socialistes démocratiques ; cette impopularité est aussi profonde aux États-Unis, en face du socialisme chrétien protestant[2], qu’elle

  1. Discours à la Chambre, 11 juin 1888. Le prince Aloys de Lichtenstein avait professé les mêmes formules au Reichsrath. — Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e éd., p. 534.
  2. « Le socialisme chrétien, dit le Rév. Kerby, ne trouve aucune indulgence. Commentant l’assertion du Railway Times de Terre-Haute (Indiana), que le Christ était socialiste, le People (organe du Socialist Labour Party) dit que cela est impossible. « Maintenir que Jésus était socialiste, c’est ignorer pourquoi le socialisme est aujourd’hui nécessaire » (Kerby, Socialisme aux États-Unis, p. 24 ; comparez, ch. iii, sect. i).