Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/791

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de tous les besoins successifs des sociétés. Alors le mot même devient inutile à ce qu’il nous semble ; et, conservé dans l’usage, mais conservé avec un sens nouveau, nous craignons qu’il ne se prête encore à des équivoques, préludes, de polémiques toujours nouvelles et toujours ravivées[1].

Deux événements se sont produits depuis lors, qui ont encore affaibli davantage le prestige déjà bien ébranlé, de ces doctrines : d’une part, le Motu proprio de Pie X, du 22 décembre 1903 ; d’une autre, la condamnation des erreurs modernistes, qui, préparée par divers actes de son pontificat, fut solennellement consommée par son Encyclique Pascendi, du 8 septembre 1907.

Le premier de ces documents insiste sur l’inégalité naturelle et nécessaire des membres de la société ; sur la propriété privée, qui, « fruit du travail et de l’industrie ou bien d’une cession ou donation faite par autrui, est un droit indiscutable de la nature » ; sur la justice, qui « doit être distinguée de la charité » et qui « seule, lorsqu’elle est lésée, donne le droit de revendication » ; sur le « devoir de charité des riches », qui « est de secourir les pauvres », et sur le devoir des pauvres, de « ne pas rougir de leur indigence et de ne pas dédaigner la charité des riches » ; il déclare enfin que « l’action populaire chrétienne ou démocratie chrétienne… surtout ne doit léser en aucune façon le droit inviolable de la propriété privée, ni jamais, s’immiscer dans la politique »…, et que « les écrivains catholiques… ne doivent pas employer un langage qui puisse inspirer au peuple l’aversion des classes supérieures de la société, ni parler de revendications et de justice quand il ne s’agit que de charité, ». Notons aussi — et si en ce point l’autorité de l’Église obtenait l’obéissance à

  1. Les démocrates chrétiens les plus avancés n’ont pas pardonné à Léon XIII les derniers actes de son pontificat. « Les dix dernières années, dit M. l’abbé Murri, n’ajoutent guère à sa gloire : elles révèlent une lassitude d’âge et de pensée avec une, succession de mesurés qui, destinées à expliquer, à limiter, à retenir, aigrirent les disputés au lieu de les faire cesser » (Murri, Un Papa, un secolo ed il cattolicismo sociale, Turin, 1904, p. 93).