Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/113

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Farel, qui accourt, jaloux de l’honneur de souiller ses cheveux blancs en harcelant la victime jusqu’au bout ; Mélanchton, qui applaudit : voilà ce qui passe l’intelligence, et ce que l’histoire répétera de siècle en siècle, à la honte de la Réformation, et plus encore à la honte de l’humanité ! Comment ces hommes, les plus éclairés de leur époque, ont-ils pu envier l’opprobre de leurs adversaires, et devenir intolérants à leur tour ? Comment avec tant de lumières nouvelles ont-ils gardé tant d’aveuglement ? Comment les réformés du seizième siècle ont-ils pu aspirer en même temps à la gloire des maityrs et à l’ignominie des bourreaux ?

La victime de l’inquisition protestante est devenue plus célèbre que toutes les victimes de l’inquisition catholique ; aucun nom de martyr n’est plus populaire que celui de Servet ; son bûcher a soulevé plus de réprobation que tous ceux que Rome a dressés : eh bien, ce n’est que justice. La persécution catholique a suffisamment montré jusqu’à quel degré de barbarie peut atteindre le fanatisme. La persécution protestante a montré de plus jusqu’où peut aller l’aveuglement des hommes, même des meilleurs. L’une témoigne d’un orgueil impitoyable ; l’autre témoigne du même orgueil, joint à la plus effrayante inconséquence. Dans tous les temps et dans tous les lieux, le supplice de ceux qui osent penser est une chose navrante ; à Genève et sous la