Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/123

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qu’il l’aimait et qu’il en était aimé ; c’est encore parce qu’elle s’associait à son œuvre, et surtout parce qu’elle n’a jamais été pour lui une peine ni un obstacle. Voilà un de ces mots révélateurs qui trahissent le fond de l’âme. Les liens sacrés de la famille, les affections les plus vives et les plus naturelles à notre cœur n’ont donc jamais distrait Calvin ; il n’y a jamais eu de conflit entre ses sentiments d’homme et ses devoirs d’apôtre ; tout a été si bien réglé dans son âme que les passions terrestres n’y ont occupé d’autre place que celle que leur abandonnait une passion plus haute. Ce n’est ni saint Augustin, ni Luther qui en auraient pu dire autant.

Calvin n’envisageait pas les biens et les plaisirs de ce monde comme valant quelque chose par eux-mêmes. Cette vie n’était pour lui qu’un temps d’épreuve, un combat, une préparation à la vie véritable, dans laquelle le chrétien pourra se reposer à loisir :

Puisque nous sommes au temps du combat, disait-il, il n’y a rien de meilleur que de nous retirer à l’enseigne, où nous prenions courage de batailler constamment jusqu’à la mort.

Sombre et forte pensée qu’il ne perdit pas de vue un seul instant. Batailler jusqu’à la mort, voilà sa devise et son plaisir. Tout le reste, c’est-à-dire tout ce qu’aiment les esprits contemplateurs, tout ce qui émeut les âmes passionnées, tout ce qui touche