Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/124

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les cœurs simples et tendres, poésie, gloire, amitié, tout cela n’eut que peu de prise sur lui. Il se revêtit d’une triple cuirasse contre ces séductions importunes. Il ne vécut que pour le triomphe de ses convictions ; il concentra sur ce seul objet toutes les forces de son âme ; il s’absorba dans son œuvre : l’homme disparut et il ne resta que le héros de la Réforme.

C’est là un fait unique qui distingue éminemment Calvin de tous les réformateurs ses émules. Aucun autre ne se dévoua jusque-là. Zwingle et surtout Mélanchton n’oublièrent jamais l’étude des lettres profanes ; ils y revinrent avec amour et l’associèrent heureusement à celle des lettres sacrées. Luther aimait à se reposer des fatigues du combat dans la compagnie de quelques francs amis, et à s’abandonner avec eux à toutes les saillies de sa bonne humeur allemande. Calvin ne cultiva les lettres que pour les services qu’elles pouvaient rendre à la Réforme ; il ne connut de patrie que l’église ; il ne se reposa d’une lutte que par une lutte nouvelle. Je ne pense pas que l’on trouve dans l’histoire un seul homme qui ait aussi strictement consacré toute sa vie à un seul but. C’est là un genre d’héroïsme qui en vaut bien un autre.

Il reste à savoir ce qui lui donna la force de se sacrifier ainsi. Pour un juge impartial, la question n’est pas douteuse. Ce fut le sentiment du devoir.

Mais on a mis en doute la pureté des intentions