Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/202

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tre qu’il y a tout à gagner et rien à perdre en prenant croix que Dieu est, tandis qu’il y a tout à perdre et rien à gagner en prenant pile que Dieu n’est pas.

Cette manière de raisonner a paru commode, et il faut convenir qu’elle est particulièrement propre à faire impression sur les esprits incultes. Aussi n’estil pas rare de la voir employer, même de nos jours. Il n’y a pas plus d’une semaine que je trouvais encore dans un livre religieux, qui m’est tombé par hasard sous la main, ce vieil argument de Pascal reproduit avec une assurance naïve. C’était un missionnaire qui voulait convaincre un sceptique. Le missionnaire lui demandait : « Etes-vous bien sûr que l’enfer n’existe pas ? » Le sceptique, en homme fidèle à son rôle, répondait qu’il ne croyait pas à l’enfer ; mais que rien n’étant plus mystérieux que ce qui nous attend au-delà de cette vie, il était plus prudent de ne pas se prononcer. « Eh bien, reprenait le missionnaire, si vous n’êtes pas sûr que l’enfer n’existe pas, dites-vous chaque soir que le lendemain vous pouvez vous réveiller en enfer. » Inutile d’ajouter que l’argument portait coup, et que, huit ou quinze jours plus tard, le sceptique, obsédé de la pensée de l’enfer, devenait croyant. — Il avait cédé au raisonnement de Pascal ; il avait compris qu’il y a beaucoup de mauvaises chances à courir si l’on parie