Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/240

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pages d’une si fière tournure. Mais qu’en reste-t-il de convaincant ? Selon moi, il n’est qu’une seule partie du livre des Pensées qui n’ait rien perdu, ni de sa beauté première, ni de sa force démonstrative : la préface.

Il est arrivé à Pascal ce qui est arrivé à Descartes. Descartes a tracé le programme éternel de la philosophie ; mais le système qu’il avait conçu d’après ce programme a été de bonne heure dépassé. Toute la philosophie moderne relève de Descartes, et cependant il n’est plus de philosophes qui soient cartésiens. Pascal a fait de même : il a indiqué la base d’une apologie nouvelle, il en a posé les fondements ; mais sur ces fondements s’élève un édifice que la rouille du temps menace chaque jour davantage. Si nous ne nous trompons, il est assez sérieusement attaqué pour qu’il ne suffise plus de soutenir ou de replâtrer quelque pan de mur qui s’écroule.

Pascal n’a pas sérieusement démontré que les contradictions de la nature humaine ont pour cause nécessaire une déchéance de l’humanité. Il appartient à l’apologie moderne de le prouver pour lui. Pascal n’a pas sérieusement démontré que les faits historiques conduisent à reconnaître la réalité d’une intervention divine. Il appartient à l’apologie moderne de le prouver pour lui. Voilà la double tâche qui lui incombe. Tâche immense ; mais pour l’accomplir il ne suffit pas de réimprimer l’œuvre de Pascal, il faut la renouveler.

1858.