Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/281

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jure. Je sais bien qu’il n’y a pas été dogmatiquement, et que dans la fermeté de son éloquence se jouait encore une flamme mobile, légère, voltigeante ; mais qu’importe la manière ? celle de M, Sainte-Beuve d’ailleurs en vaut une autre, et l’essentiel n’est-il pas que le principe y soit, principe de conscience et d’affection, véritable ressort moral ?

On a été surpris de la vivacité de courage déployée par M. Sainte-Beuve ; on ne l’aurait pas été si on avait bien lu ce qu’il a publié depuis dix ans environ. Le critique prestidigitateur s’y efface de plus en plus devant le serviteur de la science, non seulement attentif, exact, scrupuleux, mais sincère et qui sent la dignité de son rôle. On l’avait accusé d’être un rhéteur s’arrêtant aux surfaces et ne se plaisant qu’aux images, il s’en défend : « Ma tâche, dit-il, est de comprendre et de décrire le plus de groupes possibles, en vue d’une science plus générale qu’il appartiendra à d’autres d’organiser. » Puis aussitôt, avec ce demi-sourire qui ne le quitte guère, il ajoute que c’est bien là sa prétention en ses jours de grand sérieux. En avançant en âge, il en a eu toujours plus, de ces jours de grand sérieux, et c’est pourquoi il couronne une vie plus que d’autres accidentée et mobile par une vieillesse qui ne manque ni de dignité ni de grandeur.

1868.