Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/340

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Molière. Il a quelque force dans l’invention ; le cœur humain ne lui est pas tout à fait inconnu, et, par une bizarre fortune, il arrive parfois qu’une fusée de gaieté s’échappe du pot au noir où s’abîme sa mélancolie. Il eût pu devenir un maître ; mais la poésie lui a manqué. Y a-t-il l’ombré de poésie dans cette prétention de censurer son siècle ? Quels sots pédants que ces Cléantes et ces Aristes ? C’est le défaut français de mêler à tout une intention didactique. Ce peuple léger a l’imagination pesante. Il aime à régenter autant qu’à gouverner, et l’histoire dira que c’était à la nation qui passe pour la plus spirituelle du monde qu’il appartenait d’introduire la pédanterie dans la gaieté.

Cependant les Français ne sont pas absolument incapables de libre gaieté. Certaines pièces écrites dans leur langue prouvent qu’il ne serait pas impossible d’introduire sur leur scène le genre d’Aristophane, moins les indécences et les allusions personnelles. Malheureusement le public, gâté par les critiques, les laisse tomber tout à plat. Lisez le Roi de Cocagne du poëte Legrand. Il en vaut bien la peine : « Farce excellente ! folie aimable et pleine de sens, où étincelle cet esprit fantastique si rare en France, et où règne une plaisanterie vive et douce, qui, bien qu’elle aille quelquefois jusqu’à une sorte de délire, ne cesse jamais d’être légère et inoffen-