Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/348

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régit ce monde. Il faut donc avoir une idée de la tragédie pour s’en faire une de la comédie.

Les grands motifs de l’art dramatique correspondent aux grands principes de la vie religieuse et morale ; mais leur puissance inspiratrice n’a pas été la même dans tous les temps. La poésie moderne s’inspire surtout de deux sentiments, souvent opposés, l’amour et l’honneur. Chez les anciens, elle se préoccupait plutôt de la famille et des affections qui s’y rattachent, de la patrie, de l’état, de la gloire, etc. C’est au christianisme qu’il faut attribuer cette évolution de l’art. Le christianisme a donné à la personnalité une valeur infinie. Il a abaissé la société au rang d’une institution créée en faveur de la liberté individuelle, et aujourd’hui chacun trouve en soi, dans son âme, la plus haute de toutes les réalités. Une conception pareille ne pouvait qu’exalter des sentiments qui, plus que d’autres, se modifient selon les caractères, protègent la personnalité et touchent à la vie intime, mais qui, par là même, sont plus favorables au développement de la poésie lyrique qu’à celui de l’art dramatique. Aussi toute notre poésie moderne est-elle essentiellement lyrique, elle l’est même dans le drame. Pour trouver le drame tragique pur, il faut remonter jusqu’à la Grèce. Les Grecs personnifièrent dans leurs divinités les sentiments sur lesquels repose la vie sociale. Jupiter symbolisa l’ordre public et l’autorité de l’état ; Junon,