Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/353

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lui-même, sans le concours d’aucun prêcheur. Et pourtant, qui mieux qu’Aristophane a connu et servi les dieux véritables ? Qui leur a rendu de plus éclatants hommages ? S’il donne au peuple le spectacle de sa turbulence, de sa crédulité, de sa corruption, ce n’est pas seulement pour l’amuser une heure, c’est encore pour le corriger ou le punir. Aristophane est citoyen autant que poëte, et ce qu’il y a de remarquable, c’est que sa poésie soit sérieuse sans le paraître. Les Grecs seuls avaient cet art accompli.

Les héros du théâtre français sont le plus souvent de pauvres esprits. Même dans la tragédie, le poëte ne leur dispense qu’avec une prudente mesure les dons de l’intelligence. Ils en ont tout juste de quoi remplir leur rôle. Rien de trop, semble la devise de cet art, dont l’économie est peut-être moins un fruit de sagesse qu’un effet de pauvreté. Les nations de race germanique ont opposé à la sécheresse française ce qu’elles appellent l’humour, opposition fausse et funeste, car l’humour n’est qu’une autre forme de pauvreté. Que le poëte ne s’enferme pas dans un sujet étroit et borné, à la bonne heure ! Il faut du jeu à la fantaisie ; il lui en faut surtout sur la scène comique ; mais il y a loin de là à livrer le monde de l’art aux caprices d’une imagination désordonnée. L’humour est la mort de l’art. Son principe n’est que prétention et vanité. Ce n’est pas l’esprit pur, l’idée, se jouant de nos à-peu-près, de