Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/378

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tance historique d’un écrivain se mesure au nombre de ses lecteurs. »

On ne peut nier que cette réponse ne soit habile, mais elle n’est point suffisante. Si les maîtres de la critique affranchie se réjouissent autant qu’ils le disent de la diversité de la nature, ils se font tort à eux-mêmes et ils nous font tort de tout un monde, en se renfermant dans les limites de la critique traditionnelle. L’excuse du temps n’en est pas une ; si peu qu’on en ait, encore faut-il l’employer de manière à multiplier autant que possible ces jouissances variées. Qu’est-ce d’ailleurs que cette question d’importance qui devient une question de nombre ? La critique affranchie, qui doit tout lire indifféremment, aspire sans doute à répandre l’esprit de curiosité dont elle est animée. Qu’elle y travaille, et il n’est pas sûr que dans dix ans Racine ait plus de lecteurs que Campistron, Molière plus que Legrand. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ? Voilà M. Michelet qui, dans son dernier ouvrage, avoue ingénument qu’à part quelques exceptions, parmi lesquelles Molière figure à peine, et Racine pas du tout, la littérature française du XVIIe siècle l’assomme, Victor Hugo, si j’encrois M. Paul Stapfer, en dit à peu près autant de Racine, quand il dit tout ce qu’il pense. Est-il bien sûr que leur impression ne finisse pas par devenir dominante ? Dans la république des lettres, il y a sur les œuvres du passé une sorte de scrutin ouvert à