Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/411

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qu’elles ne soient fort belles ; mais elles pèsent, allongent et enlèvent au morceau ce charme de discrétion qui en double la poésie, en ouvrant à l’imagination la carrière de l’infini. Le rien que ce qu’il faut n’importe pas moins que le tout ce qu’il faut.

Lamartine, il est vrai, s’est bientôt fatigué de ce double rôle de poëte et de critique : « Créer est beau, disait-il, mais corriger, changer, gâter, est pauvre et plat, c’est ennuyeux, c’est l’œuvre des maçons, et non pas des artistes. » À partir du jour où il a pratiqué la méthode de paresse contenue en germe dans ces lignes, où il a renoncé à la critique pour n’être plus que l’instrument mélodieux frémissant sous le doigt divin, l’instrument a perdu non-seulement sa justesse, mais sa sonorité.

Il y a chez tout poëte un idéal plus ou moins distinctement aperçu, un certain goût de plénitude, de limpidité, de légèreté, d’harmonie, qui veut être satisfait ; de là vient qu’il s’établit, même chez ceux qui composent le plus de verve et d’instinct, une comparaison incessante entre le degré atteint et celui qu’on voudrait pouvoir atteindre, qu’on se sent capable d’atteindre. Cette comparaison, décourageante pour les faibles, est l’aiguillon des forts. C’est par elle, c’est-à-dire par la critique, que le poète progresse et grandit.

L’improvisation elle-même suppose un travail de