Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/83

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s’écrier : « Buvons et mangeons, puisqu’il ne dépend pas de nous d’être sauvés. » Cet argument n’a peut-être pas toute la force qu’on lui prête. Il faut, pour raisonner ainsi, n’avoir guère compris la dogmatique calviniste, et, pour combattre efficacement un système, il est urgent de le comprendre, Calvin réplique d’une manière qui nous paraît tout à fait victorieuse. La grâce, en effet, précède les œuvres et les engendre : l’élection à salut ramène l’homme à l’observation de la loi morale et produit de bonnes œuvres ; c’en est le résultat naturel ; au contraire, la prédestination au mal et à la mort maintient l’homme dans son hostilité à la loi morale et produit des œuvres de perdition ; c’en est aussi la conséquence inévitable. Un homme peut donc pailer ainsi : « Péchons, puisque notre salut ne dépend pas de nous » ; mais il ne fait pas le mal à cause de ce faux raisonnement : il fait, à la fois, le mal et ce faux raisonnement, qui est lui-même un mal, à cause de son élection.

Si l’on objecte que dans ces cas les prières, les exhortations, sont choses inutiles, on n’est guère plus heureux. Calvin répond aussitôt que ce sont là des moyens ordonnés par Dieu, des causes secondes disposées par la cause première pour l’accomplissement de ses desseins immuables. Ces moyens sont inutiles, sans doute, en ce sens que Dieu en aurait pu choisir d’autres ; mais il a choisi ceux-là en vertu