Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

muler le problème de la manière la plus générale possible, nous croyons qu’il n’appartient pas à l’homme de se demander pourquoi l’être fini existe en face de l’être infini.

Il est clair, en effet, que l’être fini n’existe pas par lui-même, et qu’on ne peut chercher la cause d’où il émane que dans l’être infini, ou, pour l’appeler d’un seul mot, heureusement assez vague pour ne pas en préciser la nature, en Dieu. Pour savoir pourquoi l’être fini est sorti de Dieu, il faudrait donc connaître d’abord l’essence de l’être divin, car c’est dans les profondeurs de l’absolu que se cache la cause de tout ce qui existe. Ainsi ces deux problèmes sont indissolublement unis. Jamais homme ne nous dira pourquoi l’homme existe, s’il ne nous dit pas auparavant ce que Dieu est.

Or, il n’appartient pas à l’homme de savoir ce que Dieu est. Tout ce que les philosophes en ont dit revient à une sublime parole qui a été prononcée longtemps avant qu’il y eût des philosophes au monde : Il est celui qui est. Cette définition est la seule juste, parce qu’elle n’impose à l’être divin aucune limite, parce qu’elle comprend toute la série des possibles. A vrai dire, ce n’est pas une définition ; c’est le cri de la faiblesse humaine, qui renonce à comprendre l’infini ! Définir l’infini ! Il y a contradiction entre ces deux termes : définir, c’est déjà poser une limite ; il n’y a que le fini qui puisse être défini.