Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/89

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quelconque des lumières sur l’essence divine. Il n’y a pas sur ce point de révélation possible. Un révélateur, quel qu’il soit, doit parler le langage de ceux auxquels il s’adresse ; il ne peut leur révéler que ce qu’ils peuvent comprendre. On ne révélera jamais à une intelligence bornée le secret de l’être absolu, car ce secret est écrit dans une langue dont elle ne saurait déchiffrer le premier mot.

Mais peut-être pensera-t-on que nous dépouillons l’homme du noble privilège de connaître son Dieu. Ce serait mal nous comprendre. Le Dieu de l’homme, notre Dieu, ce n’est pas Dieu en soi, ce n’est pas l’absolu ; c’est un Dieu qui est entré en rapport avec le monde, et qui s’est limité lui-même en nous appelant à exister à côté de lui ; c’est un Dieu qui, par ce seul fait, appartient au domaine du fini, et que par conséquent notre intelligence peut atteindre. On dira de ce Dieu là qu’il est grand, parce que son être étant borné par le nôtre, il y a entre lui et nous une mesure commune ; on dira qu’il est bon, parce que, dans ses rapports avec nous, il peut s’être soumis à une loi. Mais entre Dieu le créateur et Dieu l’être absolu, antérieur à toute création, il reste un abîme que l’esprit hum^n ne peut pas franchir, le même abîme qu’entre le fini et l’infini.

C’est donc folie à l’homme de vouloir pénétrer la nature intime de Dieu ; dès lors il est également insensé de se demander pourquoi ce qui passe existe