Page:Ramuz - Joie dans le ciel.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son établi, et, ayant tiré son armoire dans le bon jour, il allait du morceau de verre à l’armoire avec son pinceau, prenant du bleu, du rose, du vert tendre ; regardant à travers la vitre comment c’était, ramenant les yeux sur son ouvrage pour y mettre comment c’était.

Pendant ce temps, dans le haut du village, là où avait été le cimetière, un homme était encore tenu sous les bras par deux autres ; et les deux autres lui disaient :

— C’est là qu’on t’avait mis, regarde bien. Mais toi aussi, tu en es sorti, tu en es sorti comme nous…

C’était un nommé Bé. Dans l’autre vie, il était aveugle. Dans l’autre vie, il était né aveugle, il était mort aveugle, jamais il n’avait vu ; c’est pourquoi à présent il devait apprendre deux fois à voir.

Ils étaient donc deux à le tenir cha-