Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/253

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Un autre Démosthène, un Cicéron nouveau !
Voilà, pendant les jours consacrés à Minerve,
Les souhaits qu’en l’ardeur de sa naissante verve,
A sa petite image adresse en triomphant,
Ce marmot d’écolier qui d’un esclave enfant,
Chargé de lui porter sa cassette et son livre,
Pour courir chez son maître, en chemin se fait suivre.
Cicéron ! Démosthène ! hélas ! quel fut leur sort ?
Aux foudres de leur voix tous deux ont dû la mort.
Rome laissa trancher avec ignominie,
Et la tête et la main de l’homme de génie.
D’un avocat obscur, sans danger vieillissant,
La tribune jamais n’a vu couler le sang.
Ô Rome fortunée,
Sous mon consulat née !
Ce style aurait d’Antoine évité le poignard.
Oui, j’aime mieux des vers sans génie et sans art,
Que toi, noble oraison, seconde Philippique,
D’un talent immortel monument magnifique.
Et le destin pour toi fut-il moins rigoureux,
Indomptable orateur, torrent impétueux,
Dont la mâle éloquence, à son gré, dans Athènes,
D’un peuple tout entier savait guider les rênes ?
Quel astre à ta naissance avait donc présidé ?
De quel démon funeste étais-tu possédé,
Le jour où, recherchant une gloire éphémère,
On te vit déserter la forge de ton père,
Et préférant l’école au travail des métaux,
Oublier, pour les bancs, l’enclume et les marteaux ?
Des chars sans leur timon, des cuirasses rompues,
Des casques, des débris de trirèmes vaincues,
Quelques mornes captifs, les bras chargés de fers,
Sur un arc triomphal, s’élevant dans les airs,
Voilà, chez nos aïeux, comme au siècle où nous sommes,
Le bien qu’au premier rang ont placé tous les hommes :