Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/37

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Moi, je possède plus que Pallas et Narcisse :
Attendez donc, tribuns, et faites vous justice.
Richesses, triomphez, et vous, vils affranchis,
Naguère parmi nous venus, les pieds blanchis,
Des titres les plus saints bravant l’honneur suprême,
Osez prendre le pas sur le consul lui-même.
L’objet le plus sacré du respect des mortels,
C’est l’or, et s’il n’a point encore ses autels,
Comme la Bonne Foi, la Paix et la Concorde,
Il est d’autres honneurs qu’à lui seul on accorde,
Et dans tout l’univers son culte révéré,
Pour n’être pas public, n’en est pas moins sacré.

Mais si le magistrat, sur sa chaise curule,
Lui-même du produit d’une mince sportule,
Suppute, au bout de l’an, le honteux revenu,
Que fera ce client affamé, demi-nu,
Qui n’attend que de là, dans sa triste misère,
Sa toge, ses souliers, son pain, sa bonne chère ?
De quel œil verra-t-il, pour quelques vils deniers,
Tous ces grands à la file arriver les premiers ?
L’un y traîne sa femme enceinte, languissante :
L’autre, indiquant du doigt, pour son épouse absente,
Une litière close, (artifice impudent
Et qui n’échappe point aux yeux de l’intendant,)
— C’est ma Galla, dit-il ; quel soupçon vous arrête ?
Servez-nous promptement. — Galla, montrez la tête ?
— Que faites-vous ? O Ciel ! et pourquoi ce fracas ?
Elle dort, par pitié, ne la tourmentez pas !

Voici pour cette foule aux affronts destinée,
Dans quel ordre se fait l’emploi de la journée.
La sportule d’abord ; puis le docte Apollon,
Instruit par nos plaideurs dans l’art de Cicéron ;
Puis les marbres des rois et de consuls de Rome,
Et ce juif auprès d’eux placé comme un grand homme,
Mais de qui, sans respect pour son air triomphal,