Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/45

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Et l’on plaint ses pareils plus qu’on ne les déteste.
Mais combien, à mes yeux, il est plus criminel,
Celui qui, de nos mœurs détracteur éternel,
Du sein de la débauche, avec un air rigide,
Usurpe insolemment le langage d’Alcide !
Crois-tu m’intimider, hypocrite Albius,
S’écrie avec raison l’infâme Bæbius ?
Ai-je plus mérité que toi qu’on me flétrisse,
Et ne sommes-nous pas souillés du même vice ?
Que le géant altier insulte au faible nain,
L’homme droit au boiteux, le blanc à l’Africain,
Soit : mais qui pourrait voir, sans une horreur profonde,
Sans confondre l’enfer, le ciel, la terre et l’onde,
Catilina traiter Cimber d’ambitieux,
Les Gracques déclarer la guerre aux factieux,
Milon contre le meurtre exhaler sa colère,
Verrès blâmer le vol, Clodius l’adultère,
Et les trois conjurés, élèves de Sylla,
Pleurer les citoyens que leur maître immola ?
Tel naguère, invoquant la morale publique,
Ce prince encor souillé d’un inceste tragique,
Faisait, nouveau Caton, rappeler une loi
Dont Mars même et Vénus auraient pâli d’effroi,
Quand, d’un coupable amour plus coupable victime,
Julia, pour cacher la trace de son crime,
D’une main forcenée extirpait de ses flancs
Des lambeaux à son oncle encor trop ressemblants.
Faut-il donc s’étonner que les vices extrêmes
Contre ces faux Scaurus se soulèvent eux-mêmes,
Et que, mettant au jour leurs désordres secrets,
Sur eux de leur censure ils rejettent les traits ?

Romains, qu’avez-vous fait de cette loi sévère
Dont le premier César effraya l’adultère ?
Dort-elle, répétait l’un d’entre eux en criant ?
L’heureux siècle, répond Fabulla souriant,