Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/57

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Mais si l’homme en effet survit à son trépas,
Que pensent un Marcel, un Camille, un Valère,
Et les trois cents guerriers moissonnés à Crémère,
Et ceux que, dans un jour encore plus fatal,
Cannes vit succomber sous le fer d’Annibal,
Quand des lieux que jadis illustra leur grande âme,
Arrive devant eux le spectre d’un infâme ?
Sans doute, à cet aspect, pour se purifier,
Ils cherchent des flambeaux, du souffre et du laurier.
Voilà donc, malheureux, dans quel profond abîme,
Nous ont précipités la débauche et le crime !
Qu’importent désormais nos triomphes nouveaux,
Et les climats sans nuit où flottent nos drapeaux,
Et l’aigle des Césars franchissant l’Hybernie ?
Esclaves, mais chargés de moins d’ignominie,
Les vaincus, repoussant l’exemple des vainqueurs,
En acceptant nos fers, ont dédaigné nos mœurs.
Un seul digne de nous, l’Arménien Zalate,
Depuis peu dans nos murs arrivé d’Artaxate,
Et déjà surpassant nos jeunes sénateurs,
A, dit-on, d’un tribun assouvi les fureurs.
Funestes liaisons ! déplorable voyage !
Sur la foi des traités il venait en otage !
C’est chez nous qu’on se forme. Étrangers imprudents,
N’y laissez point vos fils séjourner trop longtemps ;
Car bientôt, oubliant leurs mâles exercices,
Leurs armes, leurs coursiers, ils y prendraient nos vices,
Et ne rapporteraient à leurs concitoyens,
Que la corruption de nos patriciens.