Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/65

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Ceux que je fuis surtout, faut-il te les nommer ?
Je fuis, je ne peux plus supporter une ville
Dont la lie achéenne a fait son domicile.
Que dis-je ? les Grecs seuls n’y blâment point mes yeux.
Et le Tibre, souillé d’un mélange odieux,
Chez nous depuis longtemps a transporté sans honte
Les cymbales, les mœurs, la langue de l’Oronte,
Et le ramas impur de ses viles Phrynés.
Allez, et qu’on vous voie, à leurs pieds prosternés,
Vous que, par les couleurs de sa riche tiare,
Appelle et peut séduire une amante barbare !
Cependant, Quirinus, tes rustiques enfants,
Étalent du lutteur les signes triomphants,
Tandis que tous ces Grecs échappés d’Amydone,
De Tralles, d’Alaband, d’Andros, de Sicyone,
Du Viminal en foule assiégeant les palais,
Y viennent prendre poste et tendre leurs filets.
Génie entreprenant, caractère perfide,
Audace à toute épreuve, éloquence rapide,
Débit plus vif, plus prompt que celui d’Iséus,
Tel est ce peuple entier d’intrigants et d’intrus.
Qu’est-ce en effet qu’un Grec ? un homme souple, habile,
Pour qui rien n’est honteux, à qui tout est facile ;
Grammairien, bouffon, orateur, médecin,
Géomètre, baigneur, peintre, augure, devin,
Que n’est-il pas ? veut-on qu’à la céleste voûte
Il s’élance et se fraie une nouvelle route ?
S’il a faim, il est prêt. Cet homme industrieux
Qui d’un vol si hardi s’éleva jusqu’aux cieux,
Était-ce un habitant des plages africaines,
Un Thrace, un Indien ? Non : il était d’Athènes.



Et je ne fuirai pas ces nouveaux débarqués,
D’un opprobre éternel sous la pourpre marqués !
Je souffrirai qu’à table un misérable esclave !
À la place d’honneur, me supplante et me brave !