Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/87

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Autre risque à courir à l’heure pacifique
Où d’un triple verrou chacun clôt sa boutique,
Vous ne manquerez pas de voleurs effrontés,
Pour détrousser les gens en cent lieux apostés.
Que dis-je ? des brigands, portant plus loin l’audace,
De force quelquefois envahiront la place,
Quand des marais pontins par la garde chassés,
La faim vers nos remparts les aura repoussés.
Que de fers cependant, que de chaînes pesantes,
Fabriqués à grand bruit dans nos forges brûlantes !
La matière s’épuise, et, faute de métaux,
Nos guérets vont manquer de socs et de râteaux.
Règne de l’innocence ! Age heureux de nos pères !
Que n’avons-nous vécu dans ces siècles prospères
Quand, pour l’effroi du crime et le maintien des lois,
Une seule prison suffisait à nos rois ?
Plus d’un autre motif à la fuite m’engage ;
Mais la nuit tombe ; il faut partir ; mon équipage
M’attend, et de son fouet, dont l’air a retenti,
Le muletier déjà m’a deux fois averti.
Adieu donc : souviens-toi d’une amitié fidèle,
Et si jamais Aquin sur ses bords te rappelle,
Mande-le-moi ; j’accours, dans tes champs toujours frais,
Honorer ta Diane, et fêter ta Cérès,
Et du glaive d’Horace armé contre le vice,
Si tu m’en juges digne, avec toi j’entre en lice.