Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/91

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D’un vieillard sans enfants caressant l’avarice,
Et sur son testament s’inscrivant le premier,
Il a su du Crœsus supplanter l’héritier ;
Et, s’il l’a fait pour plaire à cette riche amie
Qu’en litière fermée on promène endormie,
Je le blâme encor moins ; mais rien de tout cela ;
Le mets est pour lui seul ; les Romains jusque-là,
N’avaient rien vu de tel ; et, près d’un pareil homme,
Ce pauvre Apicius fut vraiment économe.
Comment ! un misérable à Canope acheté,
Un gueux que l’on a vu sur nos bords transplanté,
D’un léger papyrus entrer vêtu dans Rome,
C’est lui qui d’une écaille offre une telle somme !
Il en eût coûté moins d’acheter le pêcheur :
Une terre en province aurait moins de valeur ;
Et, donnant à choisir dans ses plus riches plaines,
La Pouille, à meilleur compte, adjuge des domaines.
Des banquets de César quels étaient donc les frais,
Quand le plus impudent des bouffons du palais,
Ce Mécène, jadis revendeur de marée,
Qui courait, en criant, colporter sa denrée,
Aux moindres jours, parmi cent mets plus chers encor,
A souper dans un plat engloutissait tant d’or ?
Calliope… Mais non, ce n’est point d’une fable,
C’est d’un fait qu’il s’agit et d’un fait véritable :
Racontes-le, parlez, vierges de l’Hélicon ;
Vierges, vous me devez le prix d’un si beau nom.

 

Du monde épouvanté d’indignes funérailles,
Le dernier Flavien déchirait les entrailles,
Et ce chauve Néron tenait Rome en ses fers,
Lorsque, non loin d’Ancône où sur le bord des mers
Du temple de Vénus s’élève le portique,
Tout à coup un pécheur du golfe Adriatique,
Dans les lianes élargis de ses rets spacieux,
Sentit l’énorme poids d’un turbot monstrueux.