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LE RAISIN VERT

La dame leva un doigt et souriant dans l’espace, comme pour charmer les hirondelles, reprit d’une voix flûtée :

— On dit : « Pas encore, petite maman chérie, mais je vais m’y mettre de suite. »

Lise faillit corriger : « On dit : tout de suite », mais se retint juste à temps.

Marie-Ja poussa un grognement difficile à interpréter et se remit à contempler les graviers qu’elle déplaçait du bout de sa semelle.

— Marie-Ja, dit la dame d’une voix tout à fait changée, acide et coupante, si vos devoirs ne sont pas faits à midi, vous aurez de mes nouvelles. À bon entendeur, salut.

Sur ce, elle rentra dans la maison et la petite fille tourna vers Lise un visage plat et noiraud, où luisaient deux yeux rusés.

Lise s’approcha de la barrière à claire-voie :

— Vous allez les faire maintenant, vos devoirs ?

— Non.

— Vous les ferez tout à l’heure ?

— Non.

— Vous voulez que je vous aide ?

— Non.

— Vous voulez venir chercher des escargots avec moi dans le chemin ?

— Non.

— Ah ! çà, demanda Lise, les mains derrière le dos, est-ce que vous ne savez pas dire autre chose que non ?

Marie-Ja la regarda un instant, toute froncée de méfiance sous ses cheveux noirs de petite squaw retenus par un ruban rouge sur le front et brusquement, lui tira la langue.

— Vous êtes mal élevée et laide comme un pou, déclara Lise avec calme.

Et elle rentra dans son propre jardin en se rete-