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LE RAISIN VERT

mine grave et recueillie, et, regardant Marie-Ja d’un œil intense, il porta ses deux mains à son cœur :

— Oûh ! claironna-t-il d’une voix de Polichinelle enrhumé, na jônie fille ! Qu’enne est benne ! Oûh ! Ne p’tits nyeux, ne p’tits feufeux ! N’en suis fou, madame !

— Va-t’en, idiot ! s’écria Lise, en se mordant les lèvres pour ne pas éclater.

Mais le jeune garçon, roulant des yeux blancs, avait mis un genou en terre devant Marie-Ja pétrifiée de saisissement :

— Mamoinelle, Mamoinelle, voulez-vous t’y pas m’épouser ?

Marie-Ja se prit la tête à deux poings, ferma les yeux, ouvrit la bouche et poussa la clameur des grandes détresses :

— Oûh ïa, ïa, ïa, maman chérie ! Laissez-moi ! Laissez-moi !

Laurent se releva d’un bond :

— Allez, file, ordonna-t-il, de sa voix naturelle.

Marie-Ja ne se le fit pas dire deux fois. Comme elle galopait en hurlant vers le portillon, il prit sa course derrière elle, la rejoignit au moment où elle s’engouffrait dans son jardin et lui rugit dans le cornet de l’oreille : « Si jamais tu reviens, j’ te fourre une araignée dans le cou ! »

Puis, se retournant pour faire face à Lise qui se ruait sur ses derrières, toutes griffes dehors, il la mit en déroute en lui crachant au nez.

M. Durras descendait à grand pas vers le Vran, la plage de vase où il savait devoir trouver son fils. Il était encore abasourdi de l’algarade que venait de lui faire subir Mme Le Cloarec.

— Monsieur, lui avait dit cette dame, debout dans