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LE RAISIN VERT

lorsqu’elle s’y trouvait seule, il s’y passait des faits surprenants, dont elle n’avait encore confié le secret à personne.

Mais, surtout, le vestiaire était devenu le théâtre d’élection des « jeux » que Lise et ses amies improvisaient sur un thème puisé dans leurs lectures ou sur un canevas de leur invention.

Pour le moment, c’était le Mariage de Figaro qui alimentait leur imagination. Cela durait depuis quinze jours, déjà, par petits morceaux.

Depuis quinze jours, Almaviva-Marcelle Bopp poursuivait en vain Suzanne-Lise, qui se riait de lui avec Figaro-Cassandre. Depuis quinze jours, la comtesse Emmanuelle cherchait à tromper sa langueur auprès de Chérubin-Anne-Marie.

Pendant les cours, un clin d’œil, une mimique instantanée, un bout de réplique leur suffisaient pour évoquer leurs personnages et faire surgir le parc, le château d’Almaviva et le prisme enchanté de ses amours narquoises.

Dans les couloirs, durant le passage d’une classe à l’autre, elles avaient le temps de vivre tout un épisode, cependant que d’autres groupes, à leurs côtés, vivaient d’autres aventures imaginaires, car chaque coterie avait ses « jeux » dont le secret demeurait soigneusement gardé par les actrices.

Mais c’était au vestiaire que la Folle Journée déroulait le plus librement ses péripéties.

Ce matin, donc, Almaviva serrait de près Suzanne. Tous deux étaient assis sur une planche de bois verni, régulièrement percée de trous pour recevoir les parapluies et qui était fixée à chaque extrémité au montant des portemanteaux. Les vêtements pendus qui leur balayaient les épaules au moindre mouvement figuraient le parc et les grands marronniers.

Marcelle Bopp, une fillette élancée, que sa maigreur nerveuse et ses gestes brusques vouaient aux rôles