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LE RAISIN VERT

Le Britiche écarta légèrement ses lèvres sur sa pipe et chuinta, flegmatique :

French ? Yes.

— Alors dites-nous quelque chose de gentil, pria Cassandre en se serrant contre lui.

Laurent dégagea son bras, ôta sa pipe d’entre ses dents et déclara gravement :

Bonjôh.

Là-dessus, il reprit sa pipe, mais ne rendit pas son bras.

— Plus gentil que ça, voyons ! dit Emmanuelle à son tour. Bonjour, c’est pour tout le monde.

Laurent dégagea l’autre bras, ôta sa pipe d’entre ses dents et, levant vers la jeune fille des sourcils attentifs, demanda :

— Et la santé ?

— Mais non, reprit Emmanuelle en trépignant, un petit mot d’amour, quoi ! Love, comprenez-vous, love ? Vous ne savez pas ce que c’est ?

Oh ! Yes, dit le soldat qui avait repris sa pipe. I understand. Vous voulez petite parole sensible pour cœurs françaises ?

Yes ! Yes ! c’est ça ! c’est ça ! s’écrièrent les jeunes filles à l’envi.

Laurent ôta derechef sa pipe d’entre ses dents et, l’appliquant à deux mains sur son cœur, il dit, d’un ton confidentiel et pénétré :

— Napoléon.

Au milieu des rires, Emmanuelle frappa du pied. Sa lèvre hardie se retroussait sur ses dents.

— On ne pourra donc jamais l’avoir, ce garçon-là ? s’écria-t-elle, à moitié riant, à moitié fâchée.

Cassandre restait pensive. Ses beaux yeux mordorés s’ouvraient plus grands que jamais dans son visage blanc.

— N’essaie pas, va, conseilla-t-elle avec la gravité d’une très vieille expérience.