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LE RAISIN VERT

Marie. Tu feras des bêtises pendant les vacances si ça te plaît, mais tant que je suis là, je remplace ta mère.

C’est ce qu’elle expliqua au Corbiau, un peu plus tard, et le Corbiau lui répondit, de sa voix douce et neutre :

— Pourquoi n’avoues-tu pas tout simplement que tu grilles d’envie de connaître Patachon ?

Elles y allèrent donc toutes les trois, le jeudi suivant, sans rien dire à Isabelle, puisqu’il s’agissait du domaine réservé de Cassandre.

L’aide-major logeait près des Invalides dans un de ces petits appartements médiocres et proprets, fleurant l’encaustique, où l’on s’attend à trouver la vieille sœur d’un prêtre.

Ce fut un jeune militaire qui les y accueillit. Vingt-cinq ans, blond et gras, l’œil du bon vivant, bleu porcelaine, gai, sans profondeur, la lèvre rose et bien ourlée, un petit nez régulier entre les deux.

« Voici donc le héros, pensa Lise avec férocité. Ô folie ! »

Et tout haut, sèchement :

— Non, merci, monsieur. Nous préférons garder nos manteaux.

— Allons, dit Patachon, non sans malice, c’est tout de même gentil à vous, mesdemoiselles, d’avoir accompagné ma petite Cassandre chez un célibataire aussi suspect…

« Ma petite Cassandre ! rugit Lise intérieurement. Sais-tu seulement qui elle est, pauvre type ? Sais-tu qui nous sommes, les unes et les autres ? Et ce serait pour toi, pour toi, Patachon, que nous aurions eu quinze ans, et ce soleil, ô cette poussière de diamant, dans le vestiaire du lycée Maintenon ? »

Cependant le Corbiau voyait, avec la sympathie de l’expérience dépassée, le regard humble de Cassandre, aimanté par ce visage d’homme naïvement satisfait de lui-même.