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LE RAISIN VERT

dale, elles n’osèrent refuser, et burent, à gorgées timides et en silence, avec un regard assuré.

Patachon demanda là-dessus si Cassandre voudrait bien chanter. Elle fit « non » de la tête, levant sur lui ses grands yeux, et il parut qu’elle ne pouvait plus cesser de le regarder.

Elle le regardait tant qu’il but deux verres de porto coup sur coup, pour se donner une contenance. Puis il compta les pompons du tapis de table. Puis il feuilleta une revue médicale : « Vous connaissez ? » Et Cassandre fit « non » de la tête, sans le quitter des yeux. Alors il ne lui resta plus rien à faire, qu’à s’asseoir à côté d’elle et lui baiser les mains en riant, à petits coups.

Quand Lise vit cela, elle eut un haut-le-corps, amena sur ses lèvres un sourire glacé, haussa les épaules et quitta la pièce.

Le Corbiau demeurait, fidèle au poste. « C’est bien de Lise, songeait-elle, de nous traîner chez Patachon pour chaperonner Cassandre et de lâcher pied au bon moment avec l’air de dire : « Après tout, mes enfants, « ça vous regarde ! » Elle n’a pas de conscience. »

Mais il lui fallut bientôt s’avouer que sa présence ne comptait guère.

Le jeune homme avait attiré sur son épaule la belle tête médusée et il buvait à son cou blanc, comme à une fontaine de vie, et à ses lèvres et à ses yeux clos.

Puis, appuyant son oreille sur la joue de Cassandre immobile, il parut écouter longuement, avec une gravité attentive, les battements d’un cœur caché.

Le Corbiau achevait son porto, à petites gorgées. Elle était assise sur le rocher de la falaise, devant la maison du docteur Olivier. « Je connais tout de l’amour, se dit-elle, jetant un regard paisible aux deux jeunes gens. Le reste ne serait maintenant qu’un pis-aller. »

Et lorsque Cassandre, s’éveillant avec un lent sou-