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V


Assis à son bureau, M. Durras regardait ses mains étalées devant lui, ses mains fines, blanches et fébriles, qui tremblaient encore de colère.

Un silence de sépulcre régnait dans la maison. Il repassa la scène dans son esprit, revit Laurent livide, Lise en larmes, sa petite nièce debout au milieu de la chambre, indifférente, l’air endormi, et la dernière vision, la plus intense et qui l’agitait d’un sourd plaisir : Isabelle, à quatre pattes sur le parquet, ramassant comme des reliques les morceaux d’un infâme barbouillage de Laurent, qu’il avait trouvé sur le canapé et déchiré en quatre.

À présent, la colère tombée, il ne sentait plus que le vide. La perspective de se trouver ce soir à table en face de quatre visages de bois l’écœurait si fort qu’il délibéra un moment s’il n’irait pas dîner au restaurant et s’amuser, lui aussi, pour son compte.

Il fronça les sourcils, en entendant frapper d’un doigt léger, mais insistant, à la porte de son bureau. Isabelle ? Comment l’accueillerait-il ? Qu’allait-elle lui dire ?

C’était Lise, toujours vêtue en Grecque de Carnaval.

— Je t’ai déjà dit de te déshabiller, trancha M. Durras. Je ne veux plus voir ces défroques. Inutile d’espérer que vous irez au bal.

— Je sais, répondit la petite fille. Je vais me déshabiller à l’instant. Mais entre nous, qu’est-ce que cela